Événements

Transmettre une technique de tatouage traditionnel.
Éclairages cognitifs et praxeologiques sur la passation
d’un savoir expert et rituel à Samoa

Séance du Séminaire postdoctoral commun du Labex CAP 2013
Modèles et modalités de la transmission culturelle

Lundi 13 janvier 2014, 10h-12h
Lieu : Salle Perrot 2 e étage, Galerie Colbert, 2 rue Vivienne, Paris 2 e

Intervention de Sébastien Galliot (Labex CAP, LAHIC-CREDO)

Le tatouage contemporain résulte de plusieurs décennies d’hybridation et d’échanges entre praticiens asiatiques, polynésiens et tatoueurs occidentaux. Toutefois, les tufuga ta pe’a (expert samoan en tatouage rituel) se distinguent explicitement de la majorité des tatoueurs occidentaux sur le plan du rapport entre production de l’image tatouée et mémoire. L’observateur extérieur quant à lui, ne manque pas de noter la complexité des gestes techniques nécessaires à la réalisation du rituel.

L’intervention de S. Galliot résulte d’une enquête de terrain multi-située (Samoa, Nouvelle-Zélande et Europe) et portera sur l’analyse des rythmes, des sons, des images, des postures et de la dimension incorporée et non-verbale du mécanisme de transmission de ce savoir rituel. Plus généralement, il sera question de se pencher sur « le faire » afin de montrer comment une enquête sur les actions matérielles peut être réinvestie dans une réflexion sur les techniques de figuration.

Intervention d’Olivier Morin (Konrad Lorenz Institute, Vienne) : Anthropologie cognitive et apprentissage

L’anthropologie de l’apprentissage est une source incomparable d’intuitions et de données pour l’étude de la transmission culturelle. Cette intervention étudiera deux questions en particulier : la part de la communication dans l’apprentissage et les discontinuités générationnelles dans le changement culturel.

Communication et apprentissage. Il est courant dans le champ de l’anthropologie de l’apprentissage de minorer la part du langage et des instructions explicites dans l’acquisition des savoir-faire culturels. Je tenterai de montrer que la question de savoir si un enseignement est verbal ou non est relativement secondaire ; en revanche l’importance de la communication ostensive — basée sur la manifestation et la reconnaissance d’intentions — mérite d’être réévaluée. On proposera que la transmission culturelle, dans l’espèce humaine, implique presque toujours l’attribution et l’interprétation d’intentions (contrairement à l’imitation ou à l’imprégnation).

Discontinuités générationnelles. La thèse selon laquelle la transmission culturelle ne va pas sans un certain degré de reconstruction de ce qui est transmis est couramment admise chez les tenants de l’« épidémiologie culturelle ». Pour autant, elle n’a pas fait l’objet d’enquête systématique. On présentera une étude de cas : un changement dans la direction du regard des portraits à la Renaissance, dissociable de tout autre changement de pose. On peut montrer que cette évolution est entièrement due au remplacement de générations de maîtres par des générations d’apprentis.

publications pertinentes :

O. Morin, Comment les traditions naissent et meurent : la transmission culturelle, Paris Odile Jacob 2011, chapitres 2 et 5.
O. Morin (with reply by C. Severi) What does communication contribute to cultural transmission? Social Anthropology, 2013.
O. Morin, How portraits turned their eyes upon us: Visual attraction and demographic change in cultural evolution. Evolution & Human Behavior, 2013.