MIND CONTROLConditionnement psychologique et art expérimentalpendant la guerre froide (1960-1980)

Colloque international

18 décembre 2015

INHA – 2, rue Vivienne 75002 Paris – Auditorium

Université de Paris 1 Panthéon Sorbonne
HEAD, Haute Ecole d’Art et de Design, Genève
Musée national d’art moderne, Centre Georges Pompidou

Le colloque MIND CONTROL porte sur les relations entre l’art expérimental des années 1960/80 et les recherches psychologiques sur le conditionnement mental telles qu’elles se sont stratégiquement développées au sortir de la Seconde Guerre mondiale, en posant l’hypothèse que ces relations « arts et sciences » n’ont pas été seulement inscrites dans une dynamique à sens unique qui partirait des sciences pour aller vers les arts, mais ont intégré de nouveaux circuits d’échanges et de médiations où l’art dialogue étroitement avec certains protocoles et modèles des sciences du contrôle psychologique.

Il s’agit d’examiner plus en détail le champ culturel des productions artistiques de ce contexte de guerre froide et sa paranoïa du contrôle mental (1960/80), dans des espaces de conditionnement (cabine d’internement, cellule de dégrisement), des capsules ou des casques (espace de privation sensorielle, habitacle d’hyperstimulation), des programmations visuelles d’emprise psychique ou des mises en scène de sujétion psychosomatique (films, performances). Ces œuvres viendront à la fois  du cinéma expérimental, de la danse et de la scène performative, des cultures musicales, du design et de l’architecture radicale, des arts plastiques et des installations multimédias, avec pour objectif de mettre en lumière ce qui, dans ces œuvres, participe de la reprise, de l’usage, du déplacement, du détournement voire de l’instrumentalisation directe ou indirecte, des techniques de conditionnement mental élaborées dans les laboratoires de cette époque, en interrogeant le degré de connaissance que les artistes avaient des protocoles expérimentaux en vigueur et que les scientifiques avaient des propositions artistiques du moment, dans l’esprit de ce que Bruno Latour a pu explorer récemment autour de la question de « l’expérience ».

Le champ de ces techniques de contrôle mental est très ouvert. Il concerne aussi bien les méthodes de lavage du cerveau (brainwashing), l’usage des drogues, sérum de vérité et autres psychotropes dans les méthodes d’interrogatoire, les techniques invasives d’ « électrochocs » dans les thérapies médicales, certains procédés électromagnétiques ou procédés de « psychotechnique », sans oublier le débat, très en vogue dans la fin des années 1960, sur les images subliminales, à l’heure du renouveau des techniques de suggestion de l’hypnose, ni l’impact des théories de la communication sur les modèles de coercition psychologique, dans le giron du béhaviorisme et de l’émergence du « sujet cybernétique » et des modélisations computationnelles de la psyché. Ces protocoles de laboratoires ont été largement relayés et animés par des organisations gouvernementales, en Europe, aux Etats-Unis et dans les pays de l’Est, à l’instar du programme américain MKULTRA, dirigé par le docteur Sidney Gottlieb à partir de 1953, démantelé en 1972, et dont les activités secrètes menées par la CIA auront manifestement nourri les imaginaires de l’époque, autour de ce que Timothy Melley a défini comme une « culture de la paranoïa ». Or l’impact de ces recherches sur l’art expérimental de l’après-guerre reste aujourd’hui très peu exploré, alors même que les artistes de cette génération et leur engagement dans la contre-culture, tentaient justement de défendre une position critique voire subversive face au réel, à l’organisation sociale et politique, aux système d’information et de manipulation collective des mass médias et des structures gouvernementales.

Le colloque MIND CONTROL réunira un ensemble de spécialistes internationaux couvrant ces différents champs, dans la continuité de la journée d’étude « Brainwashing and the Inner History of the Cold War », organisée en mars 2010, à Columbia University (New York), avec une attention plus particulière donnée à l’histoire de l’art expérimental des années 1960/80, une période qui constitue justement un moment privilégié dans le développement du design, de l’architecture radicale et des pratiques artistiques situées à l’interface de nouveaux médias (vidéo, film expérimental, danse, installations) où la dimension performative implique une approche politique du corps mais engage aussi une réflexion plus globale sur les systèmes de communications, les paramètres de la relation et du lien social, l’autonomie subjective des individus face aux systèmes d’autorité, tout en rejouant différemment la partition entre cultures techniques, savantes et populaires.

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